Le Pavot |
Un des derniers textes de Philippe,
|
||
|
Quand vient la nuit alors,
c'est la lente procession des loli-thaïs en mal de compagnie
nocturne. Petits corps serrés de sarongs à fils d'or, elles
errent en première, furtives comme des chattes. Leurs chevelures
de jais bruissent au rythme des roues. Leur odeur d'abandon est
absente de parfum, comme si elles annonçaient une terre sans
espoir. Petit jour, Chiang Mai. Chiang Raï gagnée en bus jusqu'à l'embarcadère pour Fang sur le Mae Kok. La pirogue à moteur s'enfonce sous les arbres où les oiseaux moqueurs savent cacher leur rire. La jungle touffue jacasse en digérant ses proies sous le regard vide du batelier Charon. Les portes de l'Enfer sont là. Triangle d'Or cupide. Longues comme un jour sans riz
voici les femmes Yao, leur boa de laine rouge autour d'un cou
flexible comme génuflexion. On ignore sous leur jupe leur
couteau de laiton qui fait pleurer les fleurs et les saigne à la
gorge. Une gamine impavide m'a conduit
vers ma chambre où dégoise un gecko. Tout autour les pavots
oscillent de leur tête comme des condamnés. Odeur âcre qui monte
et qui sait agacer de sa verdeur fétide. Une fille est entrée avec, sur
un plateau, le rituel obligé aux visiteurs du soir. Dansera
t'elle après avoir fumé le dross? Grise aube aux doigts d'oubli.
La fleur est triste hélas si l'on ne lit qu'un livre. Brown
sugar éternel pour lecteurs assidus, je suis parti sans avoir su
la fin du livre des damnés. Train de nuit pour Bangkok. Les filles sont encore là pour dissiper l'angoisse. Celle ci est bien jolie avec un coquelicot accroché à l'oreille. Un cousin du pavot! La source - 2005 |
|