La Visite
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Je ne sais comment les choses se sont passées, comment tant après
je me retrouve là.
Puis j’attendis.
J'étais inquiet de savoir si l'horloge de l'église allait sonner,
et comment.
Je m'installe et j'attends.
J'ai beau me dire qu'il y a bien plus d'autos qu'autrefois, et
des tas d'objets différents un peu partout dans la maison...
J'attends comme pour une chute verticale, la nuque la première.
L’horloge.
C'est maintenant le quart de l'heure qui sonne. Je me dois d'agir. Si je reste ici...combien de temps ? Je n'ai loué que pour un mois. Après ? Aurais-je le temps d'attendre. Je devrais après, aller ailleurs. De temps en temps je regarde l'heure au travers des persiennes. Je me dis : quand j'entendrai un pas dans l'escalier, je m'en irai. Combien de temps vais-je attendre ? C'est suffoquant. Je voudrais être calme. Je ne pensais pas à toutes ces choses il y a... trente ans. Je suis mal parce que je suis seul, n'est-ce pas ? Si il y avait quelqu'un ici...
Quelqu'un ! |
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Dix heures. Et si je parlais à cette horloge. J'en aperçois le clocher tout proche, immédiat, de l'autre côté. Il y a une bande de terre gazonnée, qu'entoure une grille et qui longe l'église sur trois côtés. Défense d'afficher. Loi du 17 juillet 1907. C'est pas très seyant sur une église. Autour la ville. Mais qu'est-ce que je fais là ? Au balcon d'un cinquième étage d'un immeuble d'une rue de Paris ! C’est vrai ! C'est Paris, ici... Paris ! Est-ce que vraiment cette rue en fait partie ? Qu'est-ce qui justifie l'appartenance de ces maisons à Paris ? D'abord une ville, une capitale c'est quoi ? D'où ca vient ? Dix heures un quart. Ce balcon est suicidaire. Même si je tombais je ne serais qu'un corps très vieux. Même pas, par hasard un enfant de dix ans. Qu'est-ce que j'ai fait de cet enfant qui est en moi, peut-être ? Quelle drôle de forme il a pris ! Cette tête qui s'allonge... Ce corps compliqué fait d'envies non résolues... Ces choses soi-disant vécues à l'intérieur et que je ne puis échanger contre rien, rien de tangible ! Je m'habite mal. Pourtant je puis tout faire de moi. Je préfère convoiter un objet dans une vitrine, une statue sur la place, une fille dans les escaliers du métro. Moi ? M'intéresse pas. Mais je vis ! J'aime mieux m’allonger pour y penser. Allumer, éteindre ? Allongé, debout ? Je n'ai pas faim, pas de soif non plus. Pas sommeil. J'existe. C'est déjà bien. Mais qu'en faire ? Et il faut penser. Car le temps passe. Un jour ou l'autre je ne pourrais plus y penser. En général c'est quand on est vieux que l'on meurt. Ah ! j'ai des projets ! Certes. Et si je commençais par le plus important. Je pourrais !... réaménager cet appartement comme il était il y a trente ans. Est-ce vraiment important ?
Dix heures et demi. Quoi ? Non c'est l’horloge qui a parlé. Bien, continuons. Où en étais-je ? Cette fois je me lève. C'est trop bête. Je ne sens rien ici. Mais où est-ce que cela serait bien d'être ? Ah ! Ce vide. Si j'ai trop peur je partirai, j'irais dans la rue. Comme j'y suis souvent, ça ira bien. Ce n'est pas possible d'être dans un état pareil ! Je me demande comment je fais d'habitude. Ce n'est même pas l'horloge qui me met dans cet état ? D’habitude... Je fais des choses. Tiens ! des pas. Alors je dois partir. Le temps de fermer les volets... Tiens on sonne ! Ce n'est pas possible. Personne ne sait... On sonne à nouveau. - Qui est là ? Je dois ouvrir.
Dix heures trois quarts. Comme le temps est étrange et comme il passe vite. Non ?
Le temps de n'être pas |
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