Accueil / Textes / Poésies

 

 

Elucubrations 


 

 

 

 

 

Textes écrits à l'adolescence entre 1952 et 1954 au Maroc. Choisis parmi le recueil édité par Philippe à Casablanca

Illustrés par des crayons réalisés par Philippe pendant la même période

 

 

 

Nevermore

(21/02/1953)

Nevermore
Jamais plus
Le remord
Superflu.

Adieu plaintes des sources et doux parfums des fleurs dans les roseaux
Adieu.
Adieu souffle de l'air dans les palmes, joyeuses chansons des oiseaux
Soyeux.

Nevermore
Jamais plus
Heures d'or
Révolues.

Adieu les baisers de la lune et les caresses au lac du vent
Mouvant,
Adieu discours des grands arbres dans les silences émouvants
Vivants.

Nevermore
Jamais plus
Tout est mort
Disparu.

 

 

 

Nocturne

(01/11/1953)

 Lune
 Qu'une
 Dune
 Brune
Cache aux yeux.

 Fin
 Brin
 Qu'un
 Pin
Dresse aux cieux.

 Cœur
 Qu'heurts
 Peurs
 Pleurs
Ont détruit.

 Veulent
 Etre
 Seuls
 Etres
Dans la nuit.

 

 

Départ

(30/02/1954)

Le quai mouvant de formes vagues,
Couleurs, blancs et noirs, et parfums,
Foule folle qui va, zigzague...
Regrets naissants, espoirs défunts.

Le banc de bois vert, la fontaine,
Une valise et un journal,
Un vieux curé, un capitaine,
Un cheminot et son fanal.

Les graviers roses de la gare...
Ils ont pleuré sous bien des pas
Quant au cyclamen, il s'empare
Du bras des gens : - Regardez-moi -

L'attente de la vapeur blanche
Que l'on entend, loin sur le rail !
Les derniers instants : l'on s'épanche,
On prend le mouchoir, l'éventail...

Cris dans le haut-parleur, tumulte.
- Rangez-vous - En voiture - Ici !
- Plus loin - Là - Aie - Pardon - Insultes...
- Donnez la valise - Ah ! merci !...

C'est donc fini ? Rien qu'un regard...
Quelques larmes et un mouchoir...
- Non c'est fini, tu vois on part

- Tu m'écriras, - Oui, -Au revoir !

- " En voiture ", et le train s'en va...
La glace est entr'ouverte... " Adieu "
- Elle est partie, oui, je suis seul
Allons, tu peux pleurer mon vieux.

 
    La rose

(25/05/1952)

La belle rose
Qui s'est éclose
Ce matin
Au jardin
N'y est plus

Et son calice
Plein de délice
Dans le soir
Sans espoir
Disparu

Seule s'afflige
La fine tige
Qui sans fleur
Sans couleur
Se meurt

Abandonné
Un cœur brisé
Tout seul gémit
Dans la nuit
Et pleure

   

 

Paysage Tahitien

(05/11/1953)

Les palmiers d'or vibraient au souffle du matin
L'ocre rose de l'île émergeait de la brume
De la feuille montait le frais timbre argentin
Des filles qui lavaient près du chaume qui fume.

L'éclat mat des coraux brillait, adamantin
Entre le rocher rouge et les perles d'écumes
Et de Raïatéa s'entendait au lointain
La voix du tahitien sur sa barque de grume.

Emergeant en tirant un poisson rouge et or
Eclatant dans l'air vif et qui vivait encor
L'homme nu, ruisselant, corps brun dans l'eau turquoise,

Souriant à la mer, au soleil, à la vie,
Respirait, contemplant d'une mine ravie
Sur la plage, là-bas, les palmes qui se croisent.