Arbre gris 
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Czardas en fraude 



 

Texte écrit en 1966,

publié dans la revue 'Synchro' n°45
 dirigée par Lucien Trichaud

et dans "Vingt ans à l'envers"
de Philippe Trouvé
éditions de l'oiseau de feu

 

il n'y a pas si loin de ta maison jusqu'à
la route petite fille
pourquoi n'y viendrais tu pas

  et le vent était si lointain et la plaine si sèche
que l'on n'aurait pas pu entendre un orage craquer
ce n'est pas si souvent que les blés sont dorés
ce n'est pas un moment pour se plaire à mourir
  et les tziganes sont partis
pour un temps indéterminé

sur la route petite fille
pourquoi n'y viendrais tu pas

mais le vent était si près et le soir si prochain que
les chevaux s'agitaient dans l'enclos
  ce n'est pas si souvent que la terre va boire
et ce n'est pas un jour pour désirer pleurer

mais les tziganes s'en reviennent
avec des poules et des cigares volés

sur la route petite fille
pourquoi n'irions nous pas
  voilà que leur chanson traverse la plaine
portée par un vent qui vient de la Tisza
j'ai volé un cheval à Debrecen
et déjà les soldats sont sur moi
quand ils me tiendront tout près de la ville
quand ils me tiendront
je ferai éclater ma veste et sortira
un couteau à quatre lames
ou bien un violon
un violon à quatre cordes

et du mi je ferai un lasso
avec le la je lancerai un moulinet au soleil
à cause du ré les acolytes se prendront les jarrets
et du sol dur sortira un ruisseau pour un cheval

est-ce déjà que tu les entends petite fille
que tu cours déjà vers moi

 
  à la porte de Debrecen
il y a deux routes
et quatre chemins

l'une mène aux blés
et l'autre à ton coeur
et par les chemins arrivent tes frères

quand les tziganes sont venus
ils n'ont trouvé personne

moi j'étais à la taverne et je buvais encore
et toi petite fille tu dormais dans les blés
  mais le vent t'a emmenée
et l'orage t'a passée
par dessus la frontière.