Arbre gris 
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Le Cosmos Chocolate


Un des derniers textes de Philippe,
écrit en 2005, dans le recueil
"Adieu la vie ! Tu m'écriras ?"
aux éditions Encres vives
 (décembre 2005 - coll. Encres Blanches) 

le jupon

 

 

 



Dans un jardin parfait où les espèces courantes sont odeurs de parure, idéales en parfum, je suggère celle là qui parle à nos papilles gustatives.
Rare, peu connue, elle se trouve en rhizome tel le luxueux dahlia. Mais un dahlia tout simple, à la corolle sombre, sanguine comme l'indique son nom latin.
On peut passer devant, rester indifférent devant sa chair de bure. Nonnes austères, il est vrai, dodelinant du col en cette fin d'été, entourées de cousines telles les picotées, arborant leurs parures de mariées, ces Cosmos ont l'odeur du chocolat.
La senteur, la couleur comme quand les pâtissiers le fondent en coulis fumant et bien onctueux.

La mémoire enfantine sait bien se rappeler la chasse à ces gros œufs dans le matin de Pâques, quand les doigts frémissants en brisent la coquille.
Le fumet qui en monte dans le jardin frileux est tout aussi magique.
Elle se souvient aussi des aubes de Décembre lorsque les mains véloces développent les paquets, font apparaître soudain ces pères Noël moulés de pâte succulente embaumant le salon.

Mémoire du chocolat que l'on poursuit encore dans un salon de thé lors d'un rendez vous tendre.
Encapuchonnée, la belle tient ses doigts gourds posés sur la tablette d'un marbre froid de table. Puis de sa voix feutrée elle susurre, lèvres rouges, paralysées de gel ,les syllabes chuintantes, exquises à boire de suite, du vocable adoré.
Il commande comme elle et voici les deux tasses. C'est fumant comme leur cœur, les mains vont l'une vers l'autre, les visages se penchent au dessus de l'odeur.
Souvenir chocolat de leur premier baiser.

Derniers soleils d'Automne, mes fleurs se sont blotties sous les roses trémières dont certaines ont leur teinte. A jeun je goûte leur suc telle une gourmandise, peut être aussi en quête d'images bien enfouies que seule une fleur vivante peut faire revivre encore.
Une fleur c'est ce qui reste de l'image des femmes et qui se laisse toujours sentir.
Cueillir aussi. Qui l'oserait? Le temps apprend aux doigts à se mettre en retrait de tout ce qui coupe court. Seul le vent a droit.

"O wind a blowing all day long
 O wind that sings so loud a song"


 La source - 2005