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 TABLEAUX VIVANTS

à la manière de peintres

à Balthus 


La Source 2004  

 

 

C'est une fort belle demeure qui se trouve près du Bois avec ses bow-windows inondés de soleil.
Les rideaux sont ouverts on voit à l'intérieur non pas ce mobilier Art Déco qui est tant à la mode maintenant mais des cathèdres antiques et des fresques murales qui sont d'un autre temps.
Sur l'une d'elle une belle coiffée style Renaissance a posé ses deux coudes et semble lire un livre.
Plutôt un portfolio dont les illustrations ont fait rosir ses joues ou bien c'est la lumière trop brûlante pour sa peau de blonde vénitienne.
Ses genoux posent à cru sur un parquet damier luisant de la lumière à tel point qu'il renvoie l'image de ses cuissots qu'une chemise de corps ne cache pas tout à fait.
Le creux poplité gras entre mollet et cuisse est humide de sueur et les aisselles nues sous les bretelles tombées sont humectées aussi.
La jeune fille ruisselle même ses paumes sont moites car les coins du papier transpirent de leur passage.
Sous la couronne nattée entourant son grand front des perles mouillées scintillent.

C'est donc une chaleur de serre qui règne dans ce lieu qui a fait qu'en retrait une autre fille très jeune enlève son corsage et tende à la lumière ses petits seins naissants.
Elle est à peine pubère aucune pilosité ne marque son entre-jambe qu'elle clôt pudiquement de ses jambes serrées.
Son visage de bambine est poupin mais fermé.
Sa bouche est écarlate et ses lèvres sont lourdes nulle lumière dans ses yeux qui demeurent baissés mais leur angle de vision se porte vers la liseuse.

Il y a là un homme qui demeure dans l'ombre on distingue sa silhouette puis par sa pose on pense que c'est ce grand mur blanc qu'il observe sans doute.
Ce qu'il doit refléter n'est ni l'agenouillée qui croise ses jarrets avec nervosité et se penche bien plus sur les pages équivoques se dénudant d'autant ni même le buste nu de la petite poupée mais une image lointaine provenant d'un endroit sombre d'une pièce proche.

Puis le soleil parvient alors sur la cloison révélant alors selon le stratagème de camera obscura toute la face cachée que cet homme observait.
C'est comme un négatif devenant positif par le jeu lumineux mais qu'on voit à l'envers sans mise au point bien sûr.
Dès lors qu'on s'habitue à l'étrange inversion on prend alors conscience de ce que cette fille nouvelle est prostrée en levrette et que sa croupe est nue. On suppose que les bras s'agitent en tenant un objet de faible dimension dirigé vers ses reins mais la lenteur des gestes et le flou de l'image ne nous renseigne pas plus.

Cette scène équivoque ne doit pas cependant être vue de l'homme seul car les regards des autres peuvent aussi se conjoindre sur cette cloison claire.
Alors la belle liseuse peut être perturbée par cette image bizarre et non par les feuillets immobiles sous ses doigts.
On peut en dire autant pour la gamine debout ce qui peut tout changer et quant à la raison de son déshabillage.
Mais s'est-on demandé si la fille cachée dans la pièce à côté peut observer la salle où résident les autres car si on l'aperçoit elle doit avoir la vue. Mentalement on construit un grand quadrilatère qui rejoint les regards pour en arriver là mais qui regarde qui?
La liseuse a des gestes étranges depuis un temps.
Elle aussi en posture d'une levrette cambrée elle semble repter de bien curieuse manière.
Bien que les hanches étroites de la poupée debout soient graciles et ses jambes fort serrées on remarque dans sa pose un mouvement singulier.
Seul l'homme reste immobile mais il se trouve dans l'ombre et rien n'oblige à croire qu'il ne soit pas ému.

Et soudain le soleil est masqué par un arbre.
Le mur redevient mur les belles rejoignent l'ombre alors l'imaginaire n'a plus de place ici.
Seule demeure une fresque visible du dehors qui ferait bien penser à un Pisanello et ses austères visages.
D'ailleurs les belles du lieu donnaient cette impression.
Pourtant leur frémissement cependant leur chaleur...