Lasse de compter le temps la pendule arrêtée 
			marbre noir 
			Vide la table luisante sertie de quatre chaises 
			hier on dinait là. 
			La vie s'est arrêtée ... non la vie continue 
			elle persiste 
			recroquevillée dans des mains froides lissant 
			lissant perpétuellement la blouse 
			hors des bras vides du fauteuilToute petite, se faisant plus 
			humble que son ombre 
			elle dure madame la vie ... 
			et contre le dossier tout froid 
			une autre dame qu'on ne voit pas 
			debout - elle a l'éternité - 
			Penser ? comment ? 
			Pleurer ? pour quoi ? 
			Sentir ? on n'est même plus des bêtes 
			Dire ... ce n'est qu'une habitude 
			Se taire ... on est trop faible, ou on n'a pas appris 
			Devant ce souffle court qui remplace une horloge 
			devant ce masque las qui se creuse en cadence 
			face aux pauvres doigts gourds qui battent dans le vide 
			tu es seule ma maman dans l'encre de ta nuit 
			Peu t'importent les mots que tu n'entends même plus ... 
			je te vois brune et belle quand tu m'as enfanté. 
			Tu dors. D'un vague sommeil peuplé d'absentes images 
			Je marche vers la gare : on se meut dans ce monde ... 
			dans ce monde qui n'est plus le tien ! 
			J'ai traversé la ville. Tu me prenais la main 
			jadis. Tu voulais me montrer l'univers. 
			Si petit : un fauteuil dans l'ombre 
			et dévoré de nuit depuis ses quatre pieds. 
			Mon siège dans le train ! Tes doigts dans le fanal arrière 
			c'est un express un grand rapide. Paris. 
			Des rues de nos jeunesses ! En marchant, 
			je tète ma cigarette, maman ! 
			Dans les rues des jambes de femmes ... 
			cinglés d'un grand vent froid 
			Dormez ma mère 
			vos fils sont grands. 
			Vous vous éveillerez à l'heur dernière 
			quand vous verrez leur doigt 
			tapoter le fauteuil  |