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Séduire ses dires 


 

 La Source 1995

 

 

 

 

 

 

 

 

    

 

Que reste-t-il de nos amours
mes toiles ?
elles ne sont déjà plus à moi
- autant qu'à elles en somme -
naviguant dans leur cadre en partance
pour me survivre
débarcadère moteur le port à l'horizon
dans un grand ciel d'oiseaux moqueurs
des bribes d'elles
des bris d'ailes
la mise à nu des jeunes pucelles
l'émoi de leurs premiers pas
petits pieds nus dans l'escalier
l'immensité de leur pudeur qui n'a d'égale qu'éternité
l'exubérance de leur chaleur
qui vaut bien tout l'amour du monde

La ferveur des modèles chéris
qui viennent longtemps si longtemps
et qui reviennent :
on ne sait plus si elles sont sœurs
ou amantes de quelques heures
elles posaient nues pour quelques sous
le long d'un mur d'un olivier
ou bien dessous
que de verres n'a t-on pas bus
en grillant tant de cigarettes ...
 

La découverte folle et brûlante
d'un visage fou
d'un corps de feu
ou bien de glace
- Vous m'êtes précieuse ...
- Je ne veux pas !
mais elle vient de m'offrir ses yeux
- Je veux vous peindre ...
- Il ne faut pas !
mais elle me suit jusqu'au café
où je lui dis des mots sans fin
- c'est stupide un peintre qui parle
de la beauté -

Alors l'espoir de sa venue
à l'atelier
puis la voilà
hélas !
je rêve de celles jamais venues

Encore toujours
oui mais ...
toujours
l'envie de leur voler leur âme :
le viol du peintre !
besoin de jouer avec la mort
car c'est elle qui défait la vie
et c'est la femme qui la donne

Inutile de peindre une fille
elle est assez belle que d'être
mais c'est être que vouloir glisser
dans la toile ce qu'elle n'a pas su
avoir été