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 Babils d'elles - Baby dolls 

La Source 1995

 

 

Mots d'Elles
encore

mots d'homme
vers elles
discours d'amour
cœur à corps
Babil futile des poupées
masquant leur mat émoi
à l'heure
alors
de leur première mise à nu

Chute des linges et prise de voile :
l'entrée en religion de pose
novices débutantes troublées et si troublantes
la valse hésitation des doigts sur les corsages
visages sages
et corps en nage
Parfum des jeunes chairs
leur gêne

La sensuelle question des tendres suppliciées :
- dois je me mettre nue ?
La pudique supplique des belles angoissées :
- me trouvez vous jolie ?
- non tu es belle !

L'éclatement des linges sur les bras blancs levés
poudroiement des cotons sur les jambes écartées
claquement d'élastiques sur les torses et les cuisses :
mon regard voit la mer au fond de l'atelier
le cœur se serre
on appareille
pour un si long voyage au pays des toiles vierges
En pose c'est elle qui cause
qui nue se met à nu
en mots
partance au pays des enfances
émouvant le verbe vibrant
des ventres
au repos
tressaillement du souffle et bruissement des gorges
allongées

 

 


Je les jauge hors du champ restreint de l'atelier
elles en pleins champs
nues
dans la lumière crue
d'un Juillet opulent
Je songe à l'orge mûr des boucles d'une enfant
étendue sur le pré d'abord en robe blanche
et son chapeau de paille pendu par un ruban
à l'olivier
mousseline claire laissant voir les genoux
et une cuisse blanche sous un coin de culotte
immaculée
c'est l'heure des cigalons
et deux papillons blancs vont en se pourchassant
le temps d'une journée
- je n'avais pas osé lui demander alors
ses jeunes seins naissants -
Demain ...
c'est aujourd'hui
elle dit :
- dis tu me permettras de poser nue pour toi
maintenant que je te connais ?

Connaître ou naître !
voici qu'elle s'éveille au plein jeu de ses sens
coquette en ses douze ans
- c'est la première fois qu'un homme me voit nue
elle est si près de moi tandis qu'elle se dévêt
malicieuse et piquante
la voir qui se dépare de son dernier rempart
culotte petit bateau
ivresse en plein midi
naufrage sous un ciel bleu

Le corps d'enfant épouse la bosse du terrain
ses reins s'y sont blottis
elle est arc au soleil
son ventre en est le faîte
et le peintre est debout devant sa toile blanche
chair de gosse
son moindre mouvement de bras est un ballet
et sa gorge qui bouge n'est pas un sein qui danse
mais le souffle natif qui fait trembler la brosse
sur sa touche esquissée
c'est dur c'est doux
de peindre le désir avant qu'il ne soit né